Histoire-Géographie Culinaire : 1 « La Béarnaise »

Nico Non classé Leave a Comment

(Cet article, comme tous les autres, fait écho à une vidéo sur le même sujet postée sur la chaîne YouTube de la Food Académie. La vidéo est plus rapide et imagée, l’article étant quant à lui forcément plus complet.)

Je ne suis vraiment pas un grand fan de la Béarnaise, gustativement j’entend, la faute à l’estragon, cependant j’adore son histoire ! Une histoire de raté, comme souvent dans la merveilleuse histoire de la Cuisine….

La côtoyant assez souvent pendant mes cours à L’Atelier Gourmand, notamment à Angers, je me suis rapidement obligé à en apprendre plus sur son histoire, pour retransmettre tout cela à mes élèves/clients.

Et son histoire m’a rapidement passionné ! Pourquoi ce nomme-t-elle « Béarnaise » ? D’où vient-elle ? En quelle année fut-elle inventée ? Par qui ? Pour quelle raison ? Tant de questions que nous allons aborder, et bien plus encore ! Histoire et Géographie Culinaire Episode 1 : La Béarnaise, c’est parti !

Première Apparition

*Voix de conteur grave et envoûtante*

Il était une fois, en l’an 1837, une sauce à l’échalote* au restaurant du Pavillon Henri IV, à Saint-Germain-en-Laye dans les Yvelines. Fort fort lointain de la région du Béarn, dont le nom de la-dite sauce s’inspire. C’est pourtant là que la Sauce Béarnaise fait sa première apparition !

Le Pavillon Henri IV est l’ancienne résidence du roi du même nom, transformé en restaurant. En cuisine, le Chef Collinet mène la danse accompagné de son équipe de cuisiniers.

Henri IV

En plein service, l’un des cuisiniers de la brigade rate cette fameuse sauce émulsionnée à l’échalote. Impossible de ne pas la servir, et trop long de la recommencer certainement, le Chef Collinet interviens et rattrape la sauce, sa texture notamment, en lui ajoutant un jaune d’œuf, émulsionné et légèrement coagulé.

Créant ainsi une nouvelle sauce. Il la baptisera ainsi la sauce « Béarnaise », en l’honneur d’Henri IV, que l’on nommait alors « le Bon Roi » mais surtout « Le Grand Béarnais », car né dans le Béarn.

Elle sera par la suite améliorée avec les ingrédients qu’on lui connait. Viendrons ainsi s’ajouter à la fête, le poivre mignonnette, les herbes, (cerfeuil et estragon), et le beurre, pour devenir la sauce Béarnaise que nous connaissons tous.

COTE TECHNIQUE

LA RECETTE : La Vraie.

La sauce Béarnaise est une réduction de vinaigre d’alcool, et de vin blanc, dans laquelle cuisent en même temps, du poivre mignonnette, de l’échalote, du cerfeuil et de l’estragon. Une fois réduite à l’équivalent d’une grosse cuillère à soupe de liquide environ, on ajoute, une fois refroidit, du jaune d’œuf et de l’eau. Le tout est émulsionné énergiquement en « sabayon », puis on termine par ajouter du beurre « clarifié », et les mêmes herbes que la réduction, éventuellement un peu de persil. (pour ceux qui n’aiment pas faire du beurre clarifié, rendez-vous en bas de la recette pour mon astuce) !

Pour 4 personnes :

Ingrédients : (Pour la réduction)

  • Vinaigre d’alcool : 20ml
  • Vin Blanc : 20ml
  • Poivre en grains « mignonnette » : PM (Pour Mémoire, c’est à dire, il faut penser à en mettre, mais la quantité que vous voulez, selon vos goûts)
  • Échalotes grises : 20g
  • Cerfeuil : « 1/16eme de botte » … En gros, 2-3 brins, c’est à dire, branches
  • Estragon : « 1/8ème de botte » … En gros 4-6 brins, équeutés.

Ingrédients : (pour la sabayon)

  • Jaune d’œuf : 2 pièces
  • eau : PM, 1 cuillère à soupe, donc environ 7 à 10g.

Ingrédients : (pour la finition)

  • Beurre : 125g (Beurre Doux ! Navré, mais un beurre demi-sel apportera beaucoup trop de sel à votre préparation qui risque d’être immangeable aux vues de la quantité de beurre).
  • Cerfeuil : « 1/16eme de botte » … En gros, 2-3 brins
  • Estragon : « 1/16eme de botte » … En gros, 2-3 brins
  • (Persil haché, facultatif : PM, selon vos goûts, 1 à 2 pincées)

Réalisation :

  • Épluchez, lavez et ciselez finement l’échalote.
  • Lavez, effeuillez et hachez le cerfeuil et l’estragon.
  • Concassez en mignonnette le poivre en grains. C’est à dire, écraser grossièrement les grains pour les éclater en petit morceaux, qui diffuserons plus de saveurs, tout en restant filtrables à travers une passoire ou chinois, étamine.
  • Réunissez tous les ingrédients de la réduction dans une casserole.
  • Laissez réduire jusqu’à obtenir l’équivalent d’une cuillère à soupe de liquide. En penchant la casserole, vous verrez mieux la quantité !
  • Clarifiez vos œufs, c’est à dire, séparez le jaune du blanc.
  • Ajoutez les jaunes et l’eau à la réduction légèrement refroidie. Important pour ne pas cuire les oeufs.
  • Fouettez énergiquement pour obtenir une belle émulsion, sur feu très doux. Retirez du feu lorsque les oeufs sont bien mousseux et que le fouet laisse des « traces » à chaque passage, laissant voir le fond de la casserole.
  • Incorporez alors le beurre clarifié, c’est à dire, un beurre fondu, qui sédimente en reposant, et dans lequel on a retiré les parties blanches, celle qui surnage et celle qui est au fond, en conservant donc uniquement la partie jaune, le gras du beurre donc.
  • Passez au chinois étamine la sauce
  • Ajoutez l’estragon et le cerfeuil, éventuellement le persil, de finition.
  • Vérifiez l’assaisonnement.

Réalisation pour les pressés et les flemmards : Ma recette !

Pour ceux, comme moi, qui ont souvent la flemme de faire du beurre clarifié, ou pas le temps, j’ajoute mon beurre, en morceaux et bien froid, au fur et à mesure, comme un beurre blanc, en continuant l’émulsion. Si vous ne souhaitez pas passer au chinois étamine votre sauce, comme moi, ne mettez alors pas vos herbes dans la réduction, mais seulement à la fin et préférez ajouter le poivre fraîchement moulu, et plus ou moins finement, à la fin également.

Cette recette fonctionne à merveille, c’est celle que j’enseigne à L’Atelier Gourmand, et a le mérite d’être rapide, efficace et tout aussi savoureuse !

CLASSIFICATION : Sauce Émulsionnée Chaude Semi-Coagulée

  • « Émulsionnée » car c’est le mélange vif, par la main du cuisinier, à l’aide d’un fouet, de l’eau et du gras. L’eau contenu dans le vinaigre ou le vin blanc et/ou la cuillère à soupe d’eau, selon votre sauce. Le gras, contenu dans le jaune d’oeuf et le beurre.
  • « Chaude », en effet, même si la sauce Béarnaise est souvent consommée froide ou tiède, pour ne pas dire toujours, elle est émulsionnée lors de sa cuisson, donc à chaud, contrairement par exemple, à une mayonnaise, qui ne subit aucune montée en température, et est donc classée comme sauce émulsionnée « froide ».
  • « Semi-coagulée » par la présence de ce jaune d’œuf qui, sous l’effet de la chaleur, commence à coaguler, mais sans aller jusqu’au bout du processus, sinon on aurait un bel œuf brouillé ! Semi donc, juste ce qu’il faut pour obtenir une texture épaisse, et lisse, sans le goût d’œuf cuit, ni la texture granuleuse.

LES DÉRIVÉES : La Mère Béarnaise a 4 Filles !

  • La Choron : Retirer les herbes de la Béarnaise et ajouter de la tomate concassée (par « concassée » comprenez  » tomate hachée grossièrement »)
  • La Foyot ou Valois : Béarnaise dans laquelle on ajoute une glace de viande (Glace de viande = un fond brun lié réduit à l’extrême qui se concentre en saveurs et en texture, donnant quelque chose de très sirupeux. La demi-glace de viande résultant de la même opération, mais d’un fond non lié, c’est à dire, sans amidon, de farine, maïs, pomme de terre ou autres).
  • La Tyrolienne : Comme une béarnaise toujours, mais émulsionnée à l’huile au lieu du beurre, on ajoute ensuite une fondue de tomates. (Fondue de tomates = tomates pelées, et épépinées et cuites à feu doux pour obtenir une purée fine mais peu liquide, les tomates rendant beaucoup d’eau il est important de la faire évaporer longuement).
  • La Paloise : Dans une béarnaise remplacer l’estragon par de la menthe. J’aime beaucoup le « jeu de mot » de cette dérivée, puisque le terme « Paloise » vient du nom de la ville de Pau, préfecture du …. Béarn !

BÉARNAISE ET BEURRE BLANC : ENCORE RATE !

La sauce Béarnaise et son histoire s’auréolent de pas mal de ratés et rattrapés. On associe en effet le beurre blanc à cette même sauce, tout simplement par ce que ce serait une sauce Béarnaise dans laquelle on aurait oublié d’ajouter le jaune d’œuf et les herbes ce qui donne (au poivre mignonnette près) un beurre blanc !

FIN.

Voilà les Chef.fes !

Vous êtes maintenant des pros de la sauce Béarnaise ! Je vous encourage à émulsionner passionnément, à goûter tendrement, à assaisonner amoureusement, et dériver curieusement ! Et n’oubliez pas, l’ingrédient secret d’une béarnaise réussi : l’huile de coude !

Salut les Chef.fes 😉

*L’Auteur de cet article, la Langue Française et le Collectif Imaginaire des CPC (« Cuisiniers Pas Cuistots ») vous remercie par avance d’orthographier correctement le mot « échalote », un « L » et un « T », fin de l’histoire, bon sang de bois !

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